Robert Castel
L’auteur propose de revenir sur l’explication communément donnée des émeutes de novembre 2005: « Une révolte du desespoir » et de lui substituer une lecture plus subtile. Dans un premier temps, il revient sur la description des banlieues comme un espace de relégation. Par un bref historique, il rappelle qu’elle furent d’abord un audacieux projet inspiré par les architectes modernistes, visant à répondre au problème des mal logés (11 millions au milieu des années 50). Ce nouvel urbanisme offre alors un maximum de confort au moindre coût. Entre 1958 et 1973, 195 ZUP sont crées avec 2 millions de logements, essentielement dans des HLM. Dès les années 60, ce modèle standardisé d’habitat révèle ses limites: On parle de « Sarcellite », de « cités dortoirs », de « cages à lapins ». Mais ces problèmes sont alors ceux des middle classe et des ouvriers intégrés. Ce n’est que progressivement que ces espaces se sont ethnicisés et appauvris.
L’ethnicisation est la conséquence du changement de la politique migratoire dans les années 70. En autorisant le regroupement familiale, on remplace une immigration masculine de travailleurs par une immigration familiale. Le second facteur, la monté du chômage et de la pauvreté touche les immigrés et les » Français de souche » Ces populations, en déclin social, sont désormais assignés à résidence dans ces espaces qui deviennent leur seule possibilité de se loger. Les catégories d’habitants les mieux protégées, partent en accédant à d’autres formes d’habitat. Il y a une restructuration générale de l’espace urbain selon un processus de séparation spatiale entre les différentes catégories sociales (1). On peut alors parler des banlieues comme de lieus de relégation où la mixité sociale se limite aux catégories les plus vulnérables (un ménage sur cinq a des revenus inférieurs au seuil de pauvreté contre un sur dix en moyenne). Mais ajoute l’auteur, ce n’est pas la banlieue qui a bougé, novembre 2005 n’a pas été un soulèvement social. Les émeutes sont le fait d’hommes jeunes, majoritairement issus de l’immigration, appartenant à des minorités ethniques. Pour l’auteur, et c’est la partie la plus intéressante de sa démonstration, il ne s’agit pas d’exclus, mais « de citoyens privés de tous les attributs positifs de la citoyenneté ». Pour l’auteur, les banlieues ne sont cependant pas des ghettos ou des espaces d’exclusion. Reprenant la définition classique du ghetto américain: Une zone ethniquement homogène, abandonnée à elle-même et vivant en quasi autarcie, il démontre de manière convaincante que cela ne correspond en rien à la situation française. D’abord, la population d’origine française est toujours majoritaire dazns ces quartiers et les autres composantes ethniques sont diverses. Au cour du ghetto noir de Chicago, 60 à 80% des familles sont mono parentales contre 6% à la Courneuve.La politique de la ville, souvent présentée comme un echec a permi de maintenir un lien étroit entre ces espaces et le reste du territoire. Pour l’auteur parler d’échec suppose qu’on soit en mesure de dire ce que serait la situation sans les politiques conduites dans ce domaine depuis 20 ans. Pour l’auteur, « on pourait au contraire soutenir la thèse que les quartiers sensibles ont bénéficié d’une attention spéciale à la mise en place de mesures de discrimination positive prises en leur faveur ». Pour démontrer que la thèse du ghetto ne tient pas, lR. Castel compare quelques indicateurs deVilliers sur Marne dans le Val de Marne et un quartier de la périphérie de Verdun dans la Meuse.
Indicateurs | Villiers-Sur-Marne | Quartier des Hautes Noues à Verdun |
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Revenu moyen par habitant |
20% supérieur |
|
proportion des foyers non imposés |
38,1% |
54,9% |
Temps de transport vers la grande ville la plus proche |
20 mn du quartier des halles à Paris de 5h30 à 1h00 le lendemain matin |
3h00 en autobus jusqu’à Nancy à 100 km en changeant trois fois de car. |
Programme de réhabilitation sur 5 ans/ contrat ville |
12450€ par habitant |
11, 8€ par habitant |
Lire la suite ‘La discrimination négative’